Le «radar» qui voit tout dès cet automne sur l'A9

Titus Plattner/ Collaboration: Simon Bärtschi, SonntagsZeitung - le 20 mars 2010, 22h55
Le Matin Dimanche
http://www.lematin.ch/actu/suisse/radar-voit-automne-a9-252534

Des «radars» d'un nouveau genre empêcheront bientôt tout dépassement de vitesse sur des kilomètres d'autoroutes. L'Office fédéral des routes les testera dès le mois de septembre entre Aigle et Bex. Il espère éliminer les freinages intempestifs à l'approche des radars

Les excès de vitesse ne seront bientôt plus possibles sur l'autoroute. Même pour ceux qui ralentissent à 120 km/h juste à temps, parce qu'ils connaissent l'emplacement de chaque radar fixe, ou parce qu'ils reçoivent une alerte sur leur téléphone mobile en cas de contrôle de police.

L'Office fédéral des routes est en train de faire installer sur l'autoroute A9 un piège à chauffards d'un nouveau genre, le «Contrôle de vitesse par tronçon» (CVT). Ce système high-tech sanctionnera tout dépassement de vitesse entre Aigle et Bex en direction du Valais a appris «Le Matin Dimanche». Il devrait être opérationnel en septembre.

Le principe et simple: peu après l'entrée d'Aigle, des caméras placées sur le portique d'entrée filment toutes les plaques d'immatriculation et enregistrent l'heure du passage; 8 kilomètres plus loin, le portique de sortie fait de même, ce qui permet de calculer la durée du trajet et donc la vitesse moyenne du véhicule.

Les conducteurs trop rapides sont ensuite photographiés, comme ils le seraient par un flash classique. Les excès de vitesse des motos pourront aussi être constatés. C'est pour cela qu'une photo sera également prise par l'arrière.

Après une phase de rodage de deux mois, la police cantonale vaudoise amendera tous ceux qui dépasseront clairement les 120 km/h autorisés. Les données des autres conducteurs, elles, seront effacées dans les secondes qui suivent.

Une autre installation CVT sera installée dans le canton de Bâle-Campagne à l'entrée et à la sortie du tunnel d'Arisdorf, entre Bâle et Berne. Elle contrôlera que la limitation à 100 km/h est respectée dans le tube (direction sud), sur un tronçon de 1,8 kilomètre. L'installation bâloise, dont les travaux sont les plus avancés, sera mise en service quelques jours avant celle d'Aigle.

Toujours cet automne, l'Office fédéral des routes (OFROU) mettra par ailleurs en service un CVT mobile. A ce stade, il est prévu de l'utiliser sur des tronçons d'autoroute en chantier. Le système pourrait toutefois être mis en oeuvre ailleurs, sur les autres routes nationales, n'importe où en Suisse.

Un test à 1,6 million de francs
Ensemble, les trois installations assemblées par le fabricant de radars Multanova, basé à Uster dans le canton de Zurich, coûteront 1,6 million de francs à la Confédération.

L'OFROU confirme les emplacements des deux CVT fixes, même si, à l'origine, il avait prévu de ne rien dévoiler avant le mois de juin, afin de pouvoir effectuer tranquillement les premières mesures. Les deux tronçons test d'Aigle et d'Arisdorf sont truffés chacun d'une dizaine de capteurs dans le sol, ce qui permettra d'analyser si ces appareils sont adaptés à la Suisse. Et de vérifier scientifiquement s'ils permettent d'éviter les phénomènes de trafic en accordéon, engendrés par les freinages intempestifs à l'approche des radars classiques.

Fin 2011, début 2012, un rapport final dira si oui ou non la Confédération entend généraliser le système et placer ce type d'installation un peu partout sur le réseau autoroutier suisse.

Pour Volker Fröse, chef du projet à l'OFROU, c'est une évidence: «Ce système est plus juste que la mesure ponctuelle.» Avec le contrôle de vitesse par tronçon, un automobiliste qui double une autre voiture à plus de 120 km/h sur 200 mètres ne sera pas pénalisé. Car il se situera toujours dans la marge de tolérance. Avec les radars classiques, poursuit Volker Fröse, le même automobiliste aurait pu se faire pincer au moment du dépassement.

«Big Brother» sur les autoroutes?
Selon nos informations, plusieurs cantons, se sont déjà montrés intéressés par ce système. En Suisse romande également. Dans un avenir pas si lointain, on pourrait imaginer que ces CVT soient mis en réseau, ce qui permettrait de «sécuriser» avec seulement quelques installations l'ensemble du réseau autoroutier Suisse. Un automobiliste qui se rendrait de Genève à Verbier passerait par exemple dans un premier CVT à Nyon. Un échange de données avec celui d'Aigle permettrait de vérifier qu'il n'a pas dépassé les vitesses autorisées entre Nyon et Aigle, etc.

«Même si c'est faisable techniquement, jure Volker Fröse, il n'est pas question de mettre ces installations en réseau.» En théorie, explique-t-il, il serait même possible d'installer un portique à Bâle et un autre à Lugano. Seulement, il faut des tronçons relativement courts pour être inattaquable sur le plan juridique.

Car devant les tribunaux, même si la vitesse moyenne du véhicule dans lequel il a été pris en photo est largement au-dessus des 120 km/h, un automobiliste pourrait par exemple prétendre qu'il n'a repris le volant que pour les 10 derniers kilomètres du tronçon Bâle-Lugano (en respectant toutes les limitations de vitesse), et que ce n'est donc pas lui le chauffard.

Du reste, l'ordonnance fédérale qui règle la mise en oeuvre des CVT ne permet que des mesures sur des tronçons sans changements de limitation de vitesse, souligne Volker Fröse. Avant d'avoir un «Big Brother» sur les autoroutes suisses, un changement législatif serait donc nécessaire.

Vignettes et des voitures volées
Cela dit, une simple modification logicielle permettrait quand même d'élargir les capacités de ces radars high-tech. Ils pourraient par exemple servir à vérifier la présence des vignettes autoroutières (et photographier les oublieux en flagrant délit). Il serait aussi possible de scanner de façon systématique une série de numéros d'immatriculation, afin de retrouver une voiture volée ou impliquée dans un accident par exemple.

Les cantons ne veulent rien dire à ce sujet. Quant à l'Office fédéral des routes, il n'exclut pas que les polices, après autorisation, utilisent ses installations afin de poursuivre d'autres délits.